L’arrivée des beaux jours transforme les citadins.
Les jupes se raccourcissent au fur et à mesure que les jours s’allongent et quelques irréductibles ressortent fièrement leurs pantacourts à motifs hawaïens.
Quand la plupart des lillois sont prêts à tout pour une place en terrasse dans le Vieux Lille et se mettre la race prétextant une météo clémente, certains individus, plus discrets en hiver, sortent de leurs caves et viennent envahir les parcs et jardins publics.

Les parcs lillois sont nombreux et le carré d’herbe est sur-convoité passé les 20 degrés. Intéressons nous au plus célèbre d’entre eux, le Parc Vauban. Coincé entre le boulevard du même nom et le zoo, cet endroit est une putain de cour des miracles.
Y passer l’après-midi laisse la même sensation qu’après 2 semaines en Papouasie avec Frederic Lopez ou 1 mois dans Secret Story : « c’est avant tout une formidable aventure humaine ».

Les numbers one du squattage de parc sont évidemment les rastas blancs. Une tribu millénaire qui persiste à travers le temps.
Les vrais aventuriers pourront les observer dans leur habitat naturel du côté de Wazemmes.
Vêtus de sarouels confectionnés à la main en chanvre biologique éco-responsable cultivé à Ronchin, les hippies vivent en meute.
Certains s’entrainent à marcher sur une corde tendue entre deux arbres. Les autres s’efforcent de faire chier le monde en tapant plus ou moins en rythme sur des djembés d’origine africaine « made in china ». N’hésitez pas à les approcher, malgré leur style tribal, seulement une poignée d’entre eux ont réellement été élevés par des loups. Les autres sont sociables et peuvent même s’avérer sympas si vous les soudoyez avec une boulette de shit.

En seconde place sur le podium de la glande en plein air, trônent fièrement les indémodables mecs de la street. Survet’ impeccablement repassé, bouteille de Cristaline vodka pomme vissée à la main, ils viennent des 4 coins de Lille et convergent tous aux même endroit pour écouter le dernier PNL en groupe.
Notons qu’il est possible d’observer le même phénomène chez certaines familles de dauphins. Même si ces derniers sont d’avantage portés sur la reproduction et le maquereau.
Que l’espace le permette ou pas, ils sont toujours chauds pour un petit foot. Entre deux jongles, ils éclatent des joints sans ne jamais avoir de feuilles.

« Hey excusez les frères vous avez pas une feuille à dépanner ? »


Les gars, pour toutes réclamations concernant les feuilles ou à peu prêt tout ce qui se fume, merci de vous référer au groupe cité ci-dessus. Ils seront ravis de vous faire un collage et de vous lâcher une pincée de Fleur du Pays
Les cheveux sont sales mais le cœur est sur la main.

Les étudiants, eux, sont capables de vrais prouesses en terme de glande. Ça paye des écoles à 8k l’année et ça termine les cours à 13h30 à partir du mois d’avril. Les grandes écoles de Vauban dégueulent leurs futurs génies du marketing dans les pelouses du Parc. Ces mecs là sont du genre à tout prévoir : les nappes, le tir bouchon, les gobelets, l’enceinte bluetooth, le ballon, les putains de feuilles à rouler, les tomates cerises, le rosé pamplemousse dégueulasse et le cubi de sangria, le jeu de molki, les boules de pétanque, le jeu de carte, le Uno, le jeu d’échec et la PS4.
Insupportable.
Ils forment des groupes pouvant aller de 3 à 56 personnes.
Assis en cercle, ils écoutent des playlists Youtube sobrement intitulées « La Belle Mixtape » où des rythmes électroniques fades rencontrent des cuivres dépressifs pour donner vie à d’immondes reprises de Britney Spears ou Bob Marley.
Vous connaissez tous >> cette playlist <<.


La journée avance et tout ce joyeux petit monde continue de lézarder au grand air.
Le soleil décline et les groupes deviennent enclins à l’ouverture.
La 8.6 fricote avec le rosé qui n’est plus si frais, l’étudiant de la Catho kiff sur du Kaaris, les hippies se découvrent une passion soudaine pour le ballon et les dauphins continuent de copuler dans les eaux chaudes des Açores.
À la manière d’un Koh Lanta, les tribus se réunissent. Les barrières tombent et le peuple du parc entre en communion. On se laisse aller à des danses triviales autour d’un grand feu de joie. L’atmosphère est électrique, le désire monte entre les êtres, les corps s’enlacent dans la moiteur de l’été.
Puis les flics arrivent .
Tout le monde débande. 
Tout le monde en garde à vue.
Tout le monde reviendra demain. Si il ne pleut pas.

« T’as pas une feuille frère ? »